L’affaire Wouters ou les boîtes explosibles de Lille (1881)

Ce billet relate une affaire d’attentats en série perpétrés à Lille à la fin du XIXe siècle. Découverte grâce à une complainte communiquée par Sophie-Anne Leterrier, La complainte de Wouters, auteur des machines infernales de Lille , en voici les faits résumés :

Le lundi 29 août 1881, à 16h, un homme s’inscrit sous le nom de « Desbois, quarante-neuf ans, voyageur de commerce, né à Dunkerque » pour réserver une chambre à l’estaminet du « Rendez-vous des Bouchers » au 2 de la rue Saint-Pierre à Lille. Il y fait monter une lourde malle.  Le samedi 4 septembre à 7h30 du matin, Desbois annonce qu’il lui faut faire porter des paquets à des clients de la ville avant qu’il ne parte pour Armentières. Un cocher de fiacre nommé Lefebvre se voit chargé de porter plusieurs boîtes à plusieurs adresses. Quelques temps après, deux explosions successives retentissent aux environs de la rue des Postes dans le quartier de Wazemmes. Elles font huit blessés graves. La première se produit chez M. Delneste au 10 de la rue des Postes, la seconde chez M. Trachet au 27 de la rue de Flandre. Tous deux ont ouvert les paquets remis par le cocher Lefebvre, qui contiennent plusieurs cartouches de dynamite enrobées de morceaux de fonte. Le cocher Lefebvre, qui ignore le contenu de ses livraisons, est arrêté au moment où il s’apprête à remettre un troisième paquet à Mme Brice au 37 rue d’Inkermann. Les trois autres boîtes trouvées dans le fiacre du cochet sont remises à M. Faucher, directeur des poudres et salpêtres, en vue de leur déminage.

L’auteur des faits, un nommé François Wouters, est un ancien serrurier belge âgé de 42 ans, établi rue des Postes dans le quartier de Wazemmes en association avec son frère Gustave, avant que celui-ci ne retourne à Anvers. Les enquêteurs établissent rapidement le mobile des meurtres : la vengeance de Wouters contre certains de ses créanciers suite à sa banqueroute frauduleuse. En sa qualité de Belge, Wouters échappe à la justice française et ne peut pas être extradé.

Les cinq boîtes explosibles préparées par François Wouters étaient destinées à M. Trachet, agent d’affaires, qui s’était chargé de la vente du mobilier de Wouters à la demande du propriétaire de celui-ci, M. Messéant qui l’avait remplacé comme serrurier avant sa mise en faillite, Mme veuve Brice, quincaillère, qui  lui avait prêté 2000 francs, M. Delneste, entrepreneur de menuiserie, et enfin M. Graux, teinturier à Canteleu, qui avait retiré sa clientèle à Wouters après l’exécution de décret de mise en faillite.

Le 7 septembre 1881, Wouters se rend chez la femme P… , qui tient une boutique de foire rue d’Arcole au Forest, près de Douai. Il lui déclare l’avoir manquée à Lille et lui tire un coup de revolver dans la tête. Wouters s’enfuit, mais, poursuivi par des ouvriers dans la rue, il se tire deux balles létales dans la tempe. Le mobile du meurtre de la femme P… est la vengeance amoureuse.

L’affaire Wouters, le « démon de l’explosif »1 est une affaire de « machines infernales » étonnante puisque les explosibles artisanaux sont d’ordinaire utilisés pour commettre des attentats politiques. La complainte de Wouters est consultable en ligne dans la base de données Complaintes criminelles en France (1870-1940) constituée par Jean-François « Maxou » Heintzen.

  1. Comme nommé par Emmanuel Car dans son article « Histoires de bombes. Deux cents ans de machines infernales », Détective, tome 465, 23 septembre 1937, p. 5-6, coll. Détective/Criminocorpus []