Jugement […] pour avoir assisté à une Assemblée de Nouveaux Convertis (1752)

Nous présentons dans ce billet un document issu de la bibliothèque de Criminocorpus et plus particulièrement de la collection Philippe Zoummeroff : un Jugement de Monseigneur l’Intendant qui condamne plusieurs particuliers du hameau de Carnus, savoir, les Hommes & Garçons aux galères perpétuelles; & les Femmes & Filles à être recluses à perpétuité dans la maison de force de Caors, pour avoir assisté à une Assemblée de Nouveaux Convertis, qui s’est tenue au hameau de Carnus, paroisse du Fau, juridiction de Montauban […], &c signé par Gaspard César Charles L’Escalopier, seigneur de Liencourt (1706-1792), intendant entre 1740 et 1756 de la généralité de Montauban, ancienne circonscription administrative de la Guyenne créée en 1635.

Jugement de Monseigneur l’Intendant qui condamne plusieurs particuliers du hameau de Carnus […] pour avoir assisté à une Assemblée de Nouveaux Convertis, qui s’est tenue au hameau de Carnus, paroisse du Fau, juridiction de Montauban […], signé le 15 avril 1752 par Gaspard-Cahrles-Cesar L’Escalopier, chevalier, Conseiller du Roy en ses Conseils […] en la Généralité de Montauban, Collection Philippe Zoummeroff/Criminocorpus

Comme indiqué dans le titre, il s’agit du jugement, « sans forme ni figure de procès », de villageois arrêtés pour avoir assisté, dans la nuit du 1er au 2 mars 1752, à une « Assemblée de Nouveaux Convertis au dessus du hameau de Carnus dans le vallon de Taillefer […], dans laquelle il a été fait des lectures & chants de psaumes, & un Ministre de la Religion Prétendue Réformée a prêché & fit d’autres fonctions de ladite religion ».

Y sont dressés les interrogatoires, procès verbaux et actes rendus suite à l’envoi de brigades de maréchaussée au hameau de Carnus. L’un des procès verbaux contient que « ladite Marthe femme de Pierre Arbus étoit devenue morte après avoir été arrêtée dans une vigne ». Le cadavre est identifié pour être « Marthe Ceté femme de Pierre Arbus Praticien demeurant au fauxbourg du Moustier dudit Montauban ». Les sieur Rigal, docteur en médecine, et Mercadier, maître chirurgien juré, constatent « qu’ils n’ont trouvé dans les parties extérieures dudit cadavre, contusion, meurtrissure ni plaie à laquelle ils puissent attribuer la cause de la mort de ladite femme d’Arbus, ayant jugé que cette cause est provenue d’un engorgement qu’ils ont trouvé dans la cavité de la poitrine, occasionné par la rupture des vaisseaux limphatiques ».

À défaut de pouvoir faire incarcérer Marthe Ceré, c’est donc sa mémoire qui est condamnée à perpétuité. Les autres femmes, Jeanne Vaissières, Jeanne Alran, Geraude Arbus, Jeanne Ruelle, Marie Dales, Jeanne Mercadier, Marie Coyné et Anne Boulan sont condamnées à être recluses à perpétuité dans la maison de force de Cahors. Blaize Delpon, Pierre Tachard, Elie Mariete, Antoine Verlhac, Jean Feral, Estienne Montagut et Pierre Galan sont condamnés à servir sur les galères du roi comme forçats pendant leur vie, et à être attachés à la chaîne pour y être conduits. Le vigneron qui a reçu l’assemblée chez lui, Michel Cruzel, « est élargi des prisons où il est détenu, à la charge de s’y représenter & remettre toutes les fois qu’il sera [par nous] ordonné ». Enfin, l’ensemble des « habitants Nouveaux Convertis de la ville, fauxbourgs, communauté & juridiction de Montauban, ensemble ceux de la communauté de Villemade, comprise au même arrondissement », sont condamnés,  « en exécution & conformité de l’ordonnance du Roi du 16 février 1745 », à payer une amende de trois mille livres au profit du roi.

Ce jugement, signé le 15 avril 1752, est rendu en plein contexte de surveillance et de répression anti-huguenote conséquentes aux ordonnances des premier & 16 février 1745, laquelle durcit davantage la législation anti-protestante en condamnant aux galères à perpétuité les hommes qui assistent aux assemblées protestantes.