Marie François Goron. La police des mœurs. Plus de Saint-Lazare. Des hôpitaux et non des prisons (1900)

En 1876, les suicides successifs de deux prostituées cherchant à éviter une arrestation par des agents des mœurs provoquent de vives réactions dans la presse. Le 11 décembre de la même année, une Commission de la police des mœurs est désignée par le Conseil municipal de Paris avec à sa tête Louis Fiaux, médecin hygiéniste et homme politique militant pour l’abolition de ce service et l’application du droit commun pour les prostituées. Cette commission marque le début de la première campagne pour l’abolition de la répression de la prostitution qui s’étalera de 1876 à 1884. Louis Fiaux note :

« Le bureau des mœurs arrête en moyenne 12 à 15 000 femmes par an, maintient sur ces rôles  3500 à 4500 jouissant de leurs droit civils , innocentes de tout crime ou délit, traque comme des criminelles ou place sous haute surveillance […] une moyenne de 1200 femmes […] interne dans le marché insalubre des maisons de tolérance une moyenne de 1200 femmes […] emprisonne à Saint-Lazare […] sans autre forme de procès, une moyenne de 8 à 9000 femmes pendant un temps de 2 à 250 jours  […] détourne définitivement et ose encore inscrire une moyenne de 50 à 150 petites mineures […] et tout cela se fait avec la tranquillité la plus parfaite […] sous le gouvernement de la République qui est le gouvernement de la loi. »

Louis Fiaux cité par Auguste de Morsier, 1904, in Jean-Marc Berlière, La police des mœurs, éditions Perrin, 2016

Le manuscrit présenté dans ce billet, intitulé La police des mœurs. Plus de Saint-Lazare. Des hôpitaux et non des prisons (1900), s’inscrit dans la seconde vague abolitionniste de la police des mœurs, qu’il convient d’appréhender à la fois comme la « réglementation à laquelle sont astreintes les femmes se livrant à la prostitution » et « les services ou les agents chargés de faire respecter cette réglementation » 1.

Marie-François Goron, La police des mœurs. Plus de Saint-Lazare. Des hôpitaux et non des prisons (1900), collection Philippe Zoummeroff/Criminocorpus, page 1
Marie-François Goron, La police des mœurs. Plus de Saint-Lazare. Des hôpitaux et non des prisons (1900), collection Philippe Zoummeroff/Criminocorpus, page 1

Ce manuscrit est consultable dans la collection Philippe Zoummeroff de la bibliothèque de Criminocorpus.

L’auteur, Marie-François Goron (1847-1933), chef de la Sûreté parisienne entre 1887 et 1894 propose ainsi quelques ébauches de réformes du bureau des mœurs, qui selon lui est un service « parfaitement inutile , et qu’il faudrait remplacer par un nouveau service spécial composé d’agents plus qualifiés et mieux rémunérés. Les prostituées, réelles ou supposées, ne seraient donc plus arrêtées ni incarcérées, mais prises en charge dans un hôpital qui remplacerait la prison Saint-Lazare. Comme tout partisan de l’abolitionnisme, Goron analyse le problème de la répression de la prostitution comme un facteur aggravant des conditions sanitaires et sociales des femmes faisant l’objet d’arrestation, qu’elles soient prostituées ou non. Marie-François Goron développera ses analyses dans ses Nouveaux Mémoires2.

Voir aussi dans la bibliothèque de Criminocorpus :


  1. Jean-Marc Berlière, La police des mœurs, Paris, éditions Perrin, 2016. ↩︎
  2. L’amour à Paris : nouveaux mémoires de M. Goron, ancien chef de la sûreté. L’Amour criminel. II. Les Industries de l’amour III. Les Parias de l’amour IV. Le Marché aux femmes, Paris, E. Flammarion, 1899. ↩︎